PETCH ET DETCHANI 117 se rabattent de haut en bas et forment éventaires. Les petits métiers y pullulent, batteurs de cuivre, tailleurs, corroyeurs, etc., les artisans assis à la turque sur un faux plancher et travaillant sur leurs genoux. Tout ce que je dis là, je le sens, n’est pas visuel et exprime moins de choses que la plus banale des photos. Il n’est pas possible de fixer dans la phrase ce qui fait l’attrait de ces petites villes musulmanes, leur désordre architectural, l’imprévu des constructions et des matières, la fantaisie du dessin, le champignonnement des hangars, des réduits, quelque chose de bâclé, d’éternellement provisoire, même lorsque cela tombe en ruines. On sait que je déteste le pittoresque de la saleté. Ce n’est pas ça du tout. C’est la ville dans ce qu’elle a de plus profondément humain. Chaque demeure a sa personnalité, répond à la manière de vivre de celui qui l’habite ou y travaille. Il va de soi que l’Etat fait tout ce qu’il peut pour banaliser ces villes savoureuses. Il y a dans chacune d’elles un petit groupe d’affreuses bâtisses occidentales qui joue des hanches et du derrière aux dépens du reste. Petch a déjà son jardin public et sa mairie. A Prizrèn il n’y a rien à faire : c’est la plus belle turquerie que je connaisse dans le pays. Mais Vélès et Bitoli cèdent du terrain, Débar a des acacias en boule, et Tétovo s’apprête à mourir. Sans doute l’évolution d’un pays a ses exigences, mais les mœurs d’une province ont aussi les leurs. Le mieux serait sans doute d’appliquer ici les principes de notre grand Liautey au Maroc : bâtir la ville nouvelle à côté de la ville ancienne et non dans celle-ci. C’est ce qui s’est produit à Skoplié, bien par hasard, parce que le Vardar sert de fossé entre l’ancien Ouskoub et la jeune cité yougoslave.