62 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE divisant les hautes salles en étages, trouant de fenêtres les murs intérieurs et même la grande muraille du midi, entre les colonnes et les statues brisées. Dans cet édifice frappé de mort par l’oubli et la guerre, ils ont fait naître une cité vivante. Jamais ce que j’ai appelé le parasitisme de la vie ne s’est développé si vite ni avec autant de force. En moins d’un siècle, l’intérieur du palais avait disparu sous la végétation des maisons nouvelles. Les occupants n’avaient gardé que le péristyle impérial, qui devenait la place publique, le mausolée dont ils faisaient leur cathédrale, après en avoir expulsé les restes de l’empereur, et le temple qu’ils transformèrent en baptistère. Encore, la place leur manquant, ont-ils construit un campanile à six étages au-dessus de l’escalier qui monte au mausolée, en sorte qu’on passe à travers le clocher pour entrer à l’église. Dans les arcades du ipéristyle, ils ont édifié des maisons, fleuries maintenant de balcons vénitiens, ou construit de petits oratoires que la vie, toujours pareille à elle-même, a transformés en boutiques. D’autres maisons ont germé autour du baptistère dont trois façades sur quatre avaient disparu derrière les bâtisses, en sorte qu’on retrouvait hier encore, dans les chambres de l’étage, des chapiteaux et des corniches. La sécurité venue, les habitants se mirent à édifier une sorte de faubourg contre les murailles extérieures, ne laissant libres que les portes. La façade du midi, du côté de la mer, vit des maisons champignonner à ses pieds, d’autres pousser de l’intérieur des balcons et des terrasses, d’autres s’élever sur ses crêtes : trois étages de bâtiments sur le moellon romain. Les autres côtés disparurent tout entiers, avec leurs tours, derrière des maisons à quatre et cinq étages, les toits de tuiles appuyés sur le couronnement. Aujourd’hui, c’est un fouillis de ruelles étroites, Ira-