180 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE dictature. Nous en voyons un peu plus loin qui, dans leurs vêtements de cérémonies royales, coupent le blé à la faucille. Au delà de Réçân1 on découvre de la route la vaste étendue bleuâtre du lac de Prespa, plus grand que celui d’Okhrid mais qui n’a pas ses hautes rives montagneuses. Il est partagé en trois secteurs de cercle dont le centre est le point de jonction de trois pays : la Yougoslavie, la Grèce et l’Albanie. Il est probable que les riverains ont abandonné la pêche pour la contrebande. Nous traînons sur cette route tant elle est passionnante. Il nous faut toute la journée, de six heures du matin à huit heures du soir, pour faire les soixante-dix kilomètres qui nous séparent de Bitoli. Le spectacle nous accroche à chaque instant : camps de tziganes, sous les tentes d’un brun noir; cortèges de filles chamarrées qui marchent en tricotant ou en faisant tourner le fuseau devant elles; dans un village, sur la crête de la Bigla Planina, recensement de chevaux, tous les paysans vêtus de toile blanche, le petit calot serbe sur le crâne, debout dans les prairies, parmi leurs bêtes, pendant que les gendarmes s’attardent à festoyer devant la porte d’une gostiona. — Donne-moi le volant, me dit Marie-Jeanne, sinon nous n’arriverons jamais. — A quoi bon arriver? Nous entrons à Bitoli au moment où le soleil, en se couchant derrière nous, allume comme des cierges la pointe des minarets. * * * Ce n’est plus qu’une ville morte, cet ancien Monastir 2. L’indépendance de l’Albanie, en 1912, a commencé à le 1. Marché le samedi. 2. Marché le mardi.