BELGRADE 219 étage et peinte de couleurs claires. Il y en a encore beaucoup dans la ville, mais on les renie comme des parents pauvres. Le rêve des architectes belgradois est évidemment de les remplacer jusqu’à la dernière par de grandes machines en ciment armé, simili-granit et simili-marbre, pour faire une ville de n’importe où. Ni églises ni monuments dignes de ce nom. Comme on a fait table rase d’un passé détesté, Belgrade date d’avant-hier. Il n’est pas étonnant qu’elle donne dans le moderne. Elle n’a pas grand’chose à sacrifier pour ça. Son musée d’ethnographie ne vaut ni celui de Zagreb ni celui de Sarajevo. En revanche, le prince Paul, l’actuel régent de Yougoslavie, a créé un très beau musée contemporain. C’est un homme de goût qui a su rassembler les meilleures toiles de tous les pays. L’école française a d’admirables Corot, Degas, Pissaro, des Yan Dongen, Friesz, Dufy de la meilleure veine. L’école yougoslave suit Paris dans toutes ses formes d’expression. De beaux jardins autour de la ville, surtout Toptchi-der, le bois de Boulogne de Belgrade. Les îles de la Save, leurs saules et leurs acacias, abritent en été les jeux d’une jeunesse sportive. L’humanité est ce qu’il y a de plus beau dans la ville. Je ne donne que ces quelques aspects de Belgrade, vus par un passant. Comme de toutes les capitales du monde, on pourrait en dire beaucoup de choses si l’on y vivait, car les grandes villes sont un terrain inépuisable d’observation. Mes notes sont beaucoup moins discrètes que ces lignes trop brèves. Si je n’ai pu voir beaucoup de choses, j’ai pu faire parler ceux qui les connaissent bien. Mais je ne puis songer à faire une monographie de Belgrade, surtout dans ce livre touffu.