DE RAGUSE A KOTOR 95 pommelé par des toufl'es de lauriers. Hameaux de pêcheurs, maisons basses et barques multicolores sous des arbres à feuillage clair. La solitude se fait lourde de tout l’écrasement de la montagne. On retrouve avec joie la rive très peuplée de l’est. Entre Rissân et Kotor, ce n’est qu’une ligne de bourgs sans profondeur, pris entre la falaise et la mer, et noyés dans une végétation exubérante. Les beaux palais vénitiens de Rissân et de Pérast sont faits de cette pierre noire qui a donné son nom à la Tsernagora. Quelques-uns, ruinés par les guerres, ouvrent leurs belles fenêtres à ogives sur la roche nue ou sur des jardins aux feuilles luisantes. Le lac se ferme, n’est plus qu’une poche étroite entre des montagnes colossales, non par leur altitude, mais par leur verticalité, rendues plus énormes encore par leur couleur sombre et les nuages qui les surhaussent. Tout au fond, une masse abrupte, fuligineuse, le mur nu, de mille sept cents mètres de haut, qui surplombe une petite ville enfermée dans ses remparts : Kotor. En arrivant, on ne voit que ces remparts et le quai de la Marine, large, planté de beaux arbres, avec les navires tout blancs du tourisme international. La ville, ensevelie sous le mur du Lovcèn, disparaît aussi derrière son propre mur. On ne voit d’elle que des chapelles et des vieux forts, accrochés aux éboulements de la falaise. Kotor, au printemps, est toute la matinée dans l’ombre des hautes roches, et le soleil la quitte avant cinq heures du soir. On y entre par une porte basse surmontée du lion Saint-Marc. Sous la voûte fleurit, entre deux anges de salutation, une Vierge à couronne d’argent. Quelques rues étroites et deux places resserrées, mais une profusion de motifs originaux. Toute l’histoire de cette petite ville qui fut aux Byzantins, aux Serbes du xm6, aux Hon-