282 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE Elle ne peut arrêter longtemps le voyageur, le passant qui regarde et n’enregistre que l’aspect extérieur des choses. Palais de Justice, Université, Académie, banques, etc., ce sont des constructions d’un siècle dix-neuvième qui deviendront peut-être belles dans deux cents ans. Ce n’est même pas sûr. A voir la cathédrale, on se rend compte que la vieillesse ne confère pas nécessairement la beauté à un édifice. C’est pesant sans être imposant, froidement restauré à la manière de l’école Saint-Luc. La vieille ville, le Gritch, a quelques rues larges et propres, avec de jolis hôtels d’un xviii® viennois. Par ailleurs, le ciment xx® siècle ne sévit pas encore ici comme à Belgrade, sauf au Gradska Kafana, le café de la démence architecturale, dont les piliers intérieurs, tout en argent, figurent des pots de chambre entassés jusqu’au plafond taillé en facettes et tout en or. La ville nous offre son prestigieux marché *, celui de la place Yélatitch (Jelacic) et la terrasse du marché couvert, un éblouissant parterre de couleurs vives où domine le rouge des parasols et des robes brodées. La plupart des paysannes des environs mettent leurs plus beaux vêtements pour venir à la ville, la jupe courte et ballonnante, de toile blanche brodée de fleurs rouges, le tablier d’un bleu franc, un fichu rouge sur la tête, un autre sur les épaules, un grand parapluie rouge sous le bras. Elles sont belles et provocantes, bavardes et fortes en gueule, les joues colorées comme leur costume. D’autres femmes, somptueusement parées, descendent d’un village qui domine la ville : Chestiné. Je m’inquiète de la sincérité de ce faubourg qui me rappelle Lagartera et l’île de Marken, un centre de tourisme, comme on dit, quelque chose comme ces villages alsaciens d’Ex- Tous les jours, mais surtout le mercredi.