TROGHIR, SPLIT ET KHVAR 59 semblables cheminées, hautes comme des obélisques, sur des bicoques trapues, en plein milieu du toit. Partout, l’ambre chaud de la pierre et le rose fané des tuiles, les mêmes que dans ma Provence, longues et arrondies, veloutées par le lichen. Vers la pointe ouest — je dirais : la poupe — les ruelles s’aérent, deviennent blondes et mauves. Nous y découvrons une petite gostiana où les nappes sont propres, la cuisine passable et le vin splendide. C’est lui, et peut-être aussi la chaleur, qui nous obligent à aller faire la sieste dans l’ancien cimetière de la ville, sur la terre ferme. Rien de baudelairien dans ce choix d’un cimetière. C’est le meilleur endroit, le plus ombragé, le plus tranquille, le plus silencieux, pour se reposer à l’heure de la méridienne, le moment pénible du vagabondage. Au surplus, ce campo santo n’est qu’un bois de vieux cyprès autour d’une petite église dont le clocher veut imiter le campanile de Saint-Marc. Il n’y a plus de tombes mais une herbe épaisse mélangée de plantes aromatiques. L’ombre est saturée de leur odeur. Des bourdons, en passant, font un bruit de soleil. * ** C’est une véritable huerta que l’on traverse en allant vers Split, terre d’alluvion d’une fécondité surprenante dans cette Dalmatie poreuse, rongée de sel marin. La route longe la côte, entre des lauriers, des églantiers et des grenadiers en fleurs. Le dessin strict des oliveraies et des vignobles est coupé par des groupes de cyprès qui encadrent des maisons de plaisance ou des chapelles d’un rococo délicieux. Comme dans la campagne de Murcie, des galopades de bourriquets pas plus grands que des chiens viennent à notre rencontre, chacun por-