114 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE religieuse. Peu à peu se dessinent autour de moi de longues formes humaines aux gestes hiératiques, rois, saints, apôtres, Vierges et princesses, tous lunés de grandes auréoles. Je distingue bientôt leurs dalmati-ques, leurs manteaux brodés, leurs tuniques ornées de croix, leurs couronnes, leurs trônes, enfin leurs visages liturgiques aux grands yeux inexpressifs, comme ceux des mosaïques de Ravenne. Tout l’atrium, murs, piliers et voûtes, et les trois nefs, du haut en bas, sont couvertes de peintures byzantines, personnages plus grands que nature, figurations symboliques, scènes de l’Evan-gile. C’est pour moi une véritable épiphanie, car le mot révélation n’a pas le caractère mystique de cette découverte. Depuis longtemps, je me demandais ce qui comblait le vide, dans l’histoire de la peinture, entre Ravenne et Cimabue, entre le \T siècle et le xme. La réponse, je la trouve ici, dans ces fresques qui revêtent l’église d’une tapisserie somptueuse. Qui les a peintes? On ne sait trop. On dispute là-dessus depuis des années. Cinq ou six thèses s’affrontent. Probablement des moines grecs qui avaient conservé la tradition de Ryzance. Mais le problème est plus complexe. Une étrange vie anime certaines figures, particulièrement dans les scènes de la vie du Christ. Cela va plus loin que la raideur byzantine. On pense quelquefois à Duccio da Roninsegna, sans qu’on puisse dire qu’il y ait la moindre influence, au moins de ce côté-ci. Le trait a encore l’épaisseur de la mosaïque mais le dessin a plus de liberté. Il s’agit évidemment d’un art traditionnel, très antérieur à Cimabue et Giotto, bien que la plupart de ces peintures soient contemporaines de ce dernier. J’imagine des moines venus du sud, de la Macédoine, des îles grecques ou du mont Athos. Ils sont montés jus-