262 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE Ils édifièrent aussi, à l’angle du pont, un monument expiatoire, un bas-relief médiocre surmonté de deux colonnes. Le tout fut renversé dans la rivière le jour où les Slaves prirent possession de Sarajevo. Justement un drapeau yougoslave, rouge, blanc, bleu, comme le nôtre, mais les trois couleurs au guindant, pend au-dessus de la porte où se tenait Princip. Il n’est pas là pour consacrer l’exploit de Gavrilo, ni même en marquer l’emplacement. Ce n’est rien d’autre qu’un pavillon arboré pour la fête des Sokols qui se célèbre aujourd’hui. Des gens traversent, indifférents, ce lieu terrible au décor provincial. Moi-même, depuis que je vis dans la ville, je suis passé plusieurs fois, sans y penser, à travers la flaque de sang qui, de ce carrefour, a débordé sur la Serbie, puis sur l’Europe, puis sur le monde, sur les terres et sur la mer, sur les îles et dans les brousses, partout où l’homme vert de gris a pu rencontrer l’homme kaki ou bleu horizon.