18 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE géomètre fut accompli par le chef de la délégation yougoslave — je crois bien que c’était le vieux Pachitch — qui, en terminant le découpage du saint, se tourna vers ses compatriotes et leur dit : — En définitive, messieurs, c’est à nous qu’il revient, nous avons la meilleure part! Car, en Yougoslavie, comme en France, les hommes portent à gauche. Il fut arrêté également que la messe y serait dite, le dimanche matin, tour à tour par des prêtres italiens et yougoslaves, les premiers aux heures paires, les seconds aux impaires, et sur la partie de l’autel revenant à chaque pays. Tout alla bien dans les premiers jours. Mais le cinquième dimanche, à onze heures, les prêtres de Fiume refusèrent de s’en aller, sous prétexte que l’office n’était pas terminé. Ceux de Souchak, pris d’une fureur patriotique, montèrent à l’assaut de l’autel. Les Italiens soutinrent le siège. On se battit à coups de candélabres et de missel, pendant que les fidèles des deux partis s’empoignaient aux cheveux. Il y eut cinq blessés, dont un prêtre, et tous les ornements de l’église furent détruits. C’est à la suite de cette bagarre que les autorités des deux pays se mirent d’accord pour fermer la chapelle. Dans la porte italienne on ouvrit un petit guichet par où les dévots peuvent contempler le saint et déposer leurs offrandes. La porte slave, qui est une grille, fut condamnée, et personne n’entre plus. J’ai vu, derrière les barreaux, Saint-Jean-Népomucène tout couvert de poussière, sa verticale presque effacée. Le carrelage, du côté de Fiume, était jonché de fleurs et de gros sous. On a travaillé comme on a pu pour faire de Souchak une grande ville, mais la place manque, et sauf un morceau de terrain plat, le long du port, il n’y a que la colline abrupte. On ne peut donc qu’échafauder les mai-