d’okhrid a ritoli (monastir) 181 ruiner. D’autres facteurs, ethniques, économiques et politiques, ont achevé de le dépeupler. Quatre-vingt mille habitants en 1912, vingt mille aujourd’hui. En 1934, trois mille familles juives, près de trente mille personnes, s’en vont d’un seul coup. Les catholiques partent aussi : les Frères de l’Ecole Chrétienne française ont dû abandonner cette cité sans ouailles. Les Turcs s’évadent un à un : mon barbier émigre demain vers Istamboul. Ville sans joie. Un tiers d’immeubles vides, sans fenêtres ou sans toit, mosquées abandonnées, minarets brisés par le milieu. Un torrent, le Dragor, traîne d’un bout à l’autre, sous d’affreux ponts de fer, entre deux murs de moellons, ses eaux asservies. A la limite de ces terrains vagues où finissent toutes les villes turques, un cimetière pareil à celui de Skoplié, fleuri celui-ci de roses rouges, aligne 6.148 tombes de soldats français, les morts de 1916 à 18. Il n’y a de vivant que la tcharchiya juive, une rue de boutiques sordides où la brocante offre, parmi du vieux fer, des souliers éculés et des nippes de confection, de merveilleux utchkurs brodés, les plus beaux que nous ayons trouvés dans le pays. Il y a enfin Khalîm Nazif. Qu’on me permette d’inscrire ici en lettres d’or le nom de ce prestigieux cuisinier turc, afin que d’année en année, aussi longtemps qu’Allah mettra sur lui la bénédiction, il continue de réjouir les gencives, la langue, le palais, l’intérieur des joues, le gosier, l’œsophage et l’estomac des voyageurs. Que la mémoire subsiste éternellement de ses omelettes au concombre; de ses pitas au fromage, feuilletées et trempées de bon beurre; de ses sogati dolma, oignons doux farcis de viandes patiemment assorties et de riz bien détaché; de ses chich-kébachs enfin, taillés en plein gigot, bien salés et bien poivrés, qu’il vous sert avec une