NOS FAUTES 143 Les Turcs auraient pardonné, malgré tout, cet emballement de l’opinion française, dirigée contre la cause musulmane ; mais ce qui les froissa le plus, ce fut l’enthousiasme délirant de nos journaux en apprenant leurs échecs successifs pendant la campagne de Thrace (1912-1913). Pourquoi l’opinion française était-elle tellement hostile à la Turquie? La principale raison vient de ce fait qu’elle n’admettait point l’ingérence allemande dans un pays qui était gagné à notre influence depuis des centaines d’années. Elle ne pouvait comprendre que l’Allemagne eût prêté des officiers à la Turquie pour vaincre la Grèce en 1897. L’opinion, chez nous, était aussi extrêmement surexcitée de voir que les massacres n’avaient jamais cessé en Macédoine et en Asie, après l’avènement au pouvoir des Jeunes-Turcs. Mais notre emballement, en somme justifié contre des excès renouvelés d’époques barbares, ne se comprenait plus quand il s’agissait d’un peuple définitivement vaincu dont les soldats s’étaient magnifiquement conduits à Andrinople et à Tchataldja. On ignorait trop en France que, dans un sursaut d’héroïsme, les fils des défenseurs de Plevna avaient su tenir de la Marmara à la mer Noire, infligeant aux troupes de Radko-Dimitrief une sanglante défaite. H n’y a pas d’autre nom pour caractériser le coup d’arrêt que reçut, sur la ligne de Tchataldja, l’armée jusque-là victorieuse de Ferdinand de Cobourg. Notre pays refusa obstinément de comprendre que l’armée ottomane, composée en grande partie de rédifs (réserves) rassemblés à la hâte, lancés au combat sans vivres, sans munitions, sans canons à