134 LA FRANCE ET LA TURQUIE La Serbie et la Grèce se trouveraient, d’autre part, sans communications rapides avec la Russie et la France. Au point de vue purement économique, on comprend difficilement peut-être l’importance que nos ennemis attachaient à la prolongation asiatique du Bagdad-Bahn. En effet, si l'Anatolie et la Mésopotamie ont été anciennement très riches et très peuplées, ces contrées sont devenues de vastes déserts depuis l’arrivée des Turcs. La Mésopotamie possédait, dans l’antiquité, les plus riches plaines du monde, admirablement arrosées et cultivées. Babylone, Ni-nive, Bagdad comptaient parmi les plus belles cités de l’Orient ancien. On ne trouve plus d’elles, aujourd’hui, que des ruines! Les canaux d’irrigation de l’Euphrate et du Tigre ont disparu, comblés par les sables du désert, et c’est un pays mort qui s’étend du golfe Persique aux montagnes du Kurdistan. Or, par le Bagdad-Bahn, les hommes d’État allemands ne songeaient pas seulement à draguer le commerce asiatique. Ils espéraient, à la suite d’une guerre heureuse, faire de la Turquie une sujette de l’Allemagne et régénérer complètement une contrée dont les ressources agricoles inépuisables enrichiraient vite leur patrie. Mais, pour cela, il fallait hâter l’achèvement du Bagdad-Bahn, car l’Angleterre voulait étendre son influence sur la Mésopotamie; la Russie convoitait l’Arménie et la Perse; l’Italie, la région d’Adana; la France songeait à la Syrie. Comme l’Allemagne est une nation de rêves transformés toujours en réalités, elle comptait bien ne pas limiter son champ d’action à l’Anatolie, au Kur-