LA RÉVOLUTION JEUNE-TURQUE 33 haine violente. Ces jeunes gens supposaient à tort ou à raison posséder assez d’intelligence pour réformer eux-mêmes, sans accepter l’expérience de réformateurs qu’ils ont toujours considérés comme des intrus. Mais, avec cette politesse orientale qui transforme en franchise la plus profonde fausseté, ils n’ont rien laissé paraître de leur état d’âme et c’est de bonne foi que les conseillers européens ont pu se croire indispensables et même avoir l’illusion d’être aimés! Ne dénions pas cependant aux officiers ou aux fonctionnaires jeunes-turcs d’avoir eu très profond le sentiment de la patrie! Ils souffraient d’être constamment espionnés par les agents d’Abd-ul-Hamid ; ils s’indignaient de voir l'avancement donné aux courtisans d’Yildiz-Kiosk et de constater l’incurie des conseillers du sultan. Mais surtout, ils ressentaient une peine très réelle de se trouver commandés par des officiers français, anglais, italiens. Ces derniers percevaient des soldes très élevées, alors qu’eux mêmes, relégués au rôle de comparses, se voyaient attribuer des appointements de famine! On a dit et combien de fois répété que les Jeunes-Turcs avaient songé à une révolte, seulement après avoir compris toute l’importance des réformes entreprises par les officiers et les conseillers européens placés à côté d’eux en Macédoine. Cette thèse est ridicule! Les Enver, les Niazi, les Djemal, les Talaat étaient suffisamment instruits et intelligents pour ne pas avoir besoin de calquer leurs idées sur celles des étrangers. Toute l’initiative de la révolution de 1908 revient donc à une élite d’officiers ottomans énergiques, ambitieux, mais avant tout patriotes. 3