42 LA. TURQUIE A TRAVERS L’HISTOIRE Bien avant le coup d’Etat de 1908, Enver possédait déjà la réputation d’un héros de légende. Son entrée en scène, le 23 juillet, devait encore grandir sa réputation, et comme il avait un esprit patriotique indéniablement élevé, du talent et un courage à toute épreuve il était naturel qu’il dirigeât à un moment donné l’armée ottomane. Celle-ci l’adorait, pour sa jeunesse, pour son allure fière, et surtout parce qu’il l’aimait. Enver a été juste vis-à-vis des officiers et des soldats, ne refusant jamais de recevoir une réclamation et d’entendre personnellement le plaignant. Enfin la Turquie lui doit la réorganisation de son armée, vêtue de haillons au temps d’Abd-ul-Hamid, et surtout mal armée et mal nourrie. Sous son ministère, elle a reçu un armement nouveau et s’est vue régulièrement payée. La guerre de Thrace avait malheureusement trop vite interrompu l’œuvre militaire des- Jeunes-Turcs. Enver l’a reprise en 1913 et menée à bien. Le nouveau ministre né ressemblait pas aux purs fatalistes de son pays, voués d’avance aux lois inéluctables du destin. Sa foi agissante était représentée par une image : la Patrie. Et c’est pour la reconstituer, pour la rendre aussi grande qu’au temps de Mahomet II, qu’il a commis sans hésiter tant de crimes ! On peut lui appliquer cette pensée de Bismarck : « Il était prêt à sacrifier, pour son pays, non seulement sa vie et sa conscience, mais jusqu’à son honneur! » Tel devait être, suivant le chancelier de fer, l’idéal d’un officier allemand, et cet idéal, Enver l’a poursuivi, comme un ancien élève de l’armée du Kaiser. On ignore trop, en effet, qu’avant de servir au 3e corps, en Macédoine, Enver était allé accomplir un