L’ARMÉNIE MARTYRE 221 les massacres avaient eu lieu. Chaque jour, il expédiait force télégrammes à la presse vendue de Constantinople qui, le lendemain, décrivait en termes dithyrambiques les réceptions magnifiques ménagées au ministre de l’intérieur et reproduisait tout au long les assurances de fidélité données par la nation grecque au gouvernement : « Quelques rixes sans importance, déclarait Talaat!... L’ordre est maintenant rétabli. Grecs et Musulmans fraternisent, etc... » Et l’Europe ignora en 1914, et surtout oublia! • 11 serait infiniment triste qu’il en fût de même aujourd’hui, après le massacre arménien! * * % Il n’est pas un Français un peu instruit qui ne soit au courant des exécutions en masse d’Arméniens. Et cependant il existe, dans notre pays, comme un mouvement de commisération qui revient peu à peu pour les Turcs. Pourquoi? Est-ce la conséquence de ces traditions d’amitié quatre fois séculaires qui rattachent la France à l’empire ottoman? Cette raison n’est pas suffisante ! Je crois que notre indulgence vis-à-vis des Turcs provient tout simplement de notre goût prononcé pour l’exotisme. Et, quand ce dernier est présenté par des écrivains d’un aussi grand talent que Théophile Gautier, Claude Farrère ou Pierre Loti, on y revient malgré soi!... Combien de personnes oublient aujourd’hui que plus d’un million d’Arméniens ont été massacrés, et qui relisent avec une admiration toujours nouvelle Aziyadé et des Désenchantées ! On oublie trop les tueries et les égor-