206 LA TURQUIE ET LA GUERRE faute provient surtout — je le répète — d’une erreur consécutive à un manque absolu de renseignements. L’affaire de Gallipoli, elle, représente plus qu’une faute. Elle est un non-sens ! Avant toute discussion, essayons de deviner quel était le but réel de l’attaque projetée par la voie de terre.. Espérait-on forcer rapidement la résistance turque dans la presqu’île et marcher sur Constantinople? L’idée est si parfaitement grotesque qu’on hésite à s’y arrêter! En admettant même l’occupation rapide de la péninsule de Gallipoli, il fallait ensuite franchir l’isthme si resserré de Boulaïr et parcourir plus de 200 kilomètres avant d’atteindre Constantinople, tout cela en pays très accidenté. Le Kourou-Dagh et le Tekir-Uagh barrent en effet la route qui mène à Rodosto. Il s’est trouvé cependant de chauds partisans de cette thèse! Si vous en doutez, je vous citerai des articles, écrits par des hommes très éminents, militaires aussi bien que civils, pour lesquels « le terrain ne Compte pas. » Seule « l’idée générale » domine! Comme ils écrivent sans daigner jeter un coup d’œil sur une carte, ils avancent des hérésies, ce qui n’empêche point l’opinion de les croire et de les suivre. Ne sont-ils pas des gens qu’on ne doit jamais discuter? Admettons d’autre part que le but réel de l’attaque fut d’aider la flotte à renouveler la tentative avortée des 25 février et 18 mars et que l’on voulût à cet effet engager une descente dans la presqu’île. Eh bien! avant d’entreprendre cette ten'ative, il fallait s’occuper d’abord de la question du terrain. Pour connaître celui-ci, il fallait des cartes. En avait-on? Oui!