60 LA TURQUIE A TRAVERS L’HISTOIRE mière vue l’impression d’un pur Européen. Appartenant à un milieu beaucoup plus raffiné que les autres membres du comité Union et Progrès, Saïd eût mieux fait de vivre à l’écart de toute politique. Mais sa vanité et son ambition étaient sans bornes. Il avait le plus grand désir de devenir khédive d’Égypte. En fait, il avait bien le titre de grand vizir, mais n’en exerçait pas le pouvoir, se contentant de jouir des honneurs et des dignités de sa position. Avant la guerre, Saïd venait régulièrement l’après-midi à la Sublime-Porte et regagnait en voiture sa splendide villa du Bosphore, précédé par un officier et quelques cavaliers. C’était le seul ministre jeune-turc qui se fît ainsi escorter. Tout grand vizir qu’il fût, Saïd-Halim ne disposait en réalité d’aucune influence, et représentait seulement un comparse dominé par Talaat, Enver et Djemal. Les ambassadeurs devaient traiter les affaires courantes avec lui. Ils s’y efforçaient, mais n’obtenaient que des sourires et des promesses jamais réalisées. Saïd possédait l’égoïsme des Orientaux riches. Il ne se souciait pas de voir sa fastueuse existence troublée et, ni les massacres grecs, ni les tueries arméniennes, n’ont pu changer son optimisme souriant. Il n’empêche qu’il a sa lourde part de responsabilité dans les événements de la Turquie sanglante. Il est d’autant plus coupable qu’il ne saurait invoquer, comme ses acolytes, l’excuse d’une éducation essentiellement ottomane. Aussi peut-on conclure, en disant : « Il faut qu’il paye sa dette, pour sa participation aux crimes et aux massacres. » Aucune grâce ne saurait lui être accordée !