LES TROIS 49 Talaat. Grand, gros, le teint basané, les moustaches et les cheveux très noirs, tel était Talaat en 1914. Il pouvait avoir quarante-cinq ans à cette époque. Ses origines sont obscures, et de nombreuses histoires ont circulé sur son compte. Pour les uns, c’est un bohémien bulgare, pour les autres, un Pomak. On désigne sous ce nom tout individu de race bulgare dont les ancêtres se sont convertis à la religion de Mahomet. Cette dernière hypothèse est, sans doute, la vraie. En résumé, Talaat n’est pas un véritable Turc; il représente un descendant de renégats. Talaat avait d’abord été simple facteur des postes. En 1903, il surveillait les courriers ; en 1907, il était télégraphiste à Andrinople. La révolution le trouva copiste à la poste turque de Constantinople, aux appointements de cent vingt francs par mois. Parmi tous les membres du comité Union et Progrès, Talaat a représenté la personnalité la plus remarquable. Il avait compris, qu’en Turquie, quelques hommes énergiques pouvaient facilement s’emparer du pouvoir, et il voulut être le chef de ces hommes. Il arriva rapidement au but proposé, car ses capacités innées étaient vraiment extraordinaires. Talaat possédait le pouvoir dominateur, la faculté de juger vite les situations les plus difficiles, et surtout une prescience vraiment surnaturelle des événements. Au fond, brutal et violent, le grand dictateur de l’empire ottoman sut toujours affecter des allures 4