158 LA TURQUIE ET LA GUERRE le capitaine Savfet et les lieutenants Rifat, Mahmoud et Hussein, ces ceux derniers si français de cœur. Je ne les ai pas quittés sans chagrin, et aussi mes soldats turcs, pauvres gens incultes, mais dans le fond si bons et si dévoués, que la brutalité allemande allait retourner contre nous, au nom d’Allah ! Le 5 août, nous embarquions sur la Phrygie. Le sultan nous envoyait à bord son maître des cérémonies, chargé de nous transmettre ses vœux : « Vous reviendrez! » disait-on aux officiers français. Nous l’espérions, car nous étions attachés à cet Orient où il y a tant de notre pays ! Au moment où la Phrygie leyait l’ancre, une ovation indescriptible était faite à la France par plusieurs milliers de personnes de toutes nationalités, réunies sur le quai de Galata. Le yatch de l’ambassade nous accompagnait longtemps. Les dames agitaient leurs mouchoirs, en criant: «Victoire! »... et peu à peu s’elfaçaient à l’horizon les mosquées et les minarets de Stamboul!... Nous venions de voir disparaître la Turquie du passé!... Le soir, la Phrygie se trouvait retenue dans le goulet, à la hauteur de Tchanak. Les Turcs avaient en effet commencé de poser les mines la veille, 4 août, dès qu’ils avaient été prévenus de la poursuite acharnée lancée par l'escadre anglaise contre le Goeben et le Breslau. Il n’existait, le 5 juillet, qu’un étroit chenal, où notre bateau fut piloté par un remorqueur de la marine de guerre ottomane. Le 8, à 1G heures, à la hauteur du cap Malée, nous apercevions à l’horizon deux bâtiments de guerre, sans pavillon. On distinguait nettement leurs