30 LIVRE PREMIER. le trouvait nécessaire. Une commission de trois membres, dite Inquisition d’Elat, était plus particulièrement chargée des affaires qui exigeaient de la promptitude et du mystère, et avait autorité sur les autres membres. Les attributions du Conseil des Dix s’étendaient à tout ce qui intéressait, de près ou de loin, la tranquillité publique; c’était une sorte de justice foudroyante qui pénétrait partout et à qui rien n’échappait ; avec elle jamais de troubles ni de révolte, pas la moindre effervescence, point de conspiration qui ne fût découverte avant d’éclater, point de citoyen qui osât se rendre redoutable ; partout et toujours une imperturbable tranquillité. La police et le système pénal de Venise, partie la moins connue de ses institutions, ont eu une célébrité terrible, et ont été le texte de beaucoup de déclamations et de calomnies, dues surtout à la haine du clergé et des ordres religieux pour le conseil des Dix qui se montra toujours fort sévère à leur égard, et ne leur laissa jamais prendre l’influence dangereuse qu’ils obtenaient aisément chez les autres nations. La vérité est que la police vénitienne était plutôt sombre et mystérieuse que terrible ; elle sacrifiait tout à la raison d’état, loi suprême pour elle, mais hors de là elle était juste et modérée; elle ménageait tout ce qu’elle pouvait ménager sans nuire au bien public, et s’attachait à prévenir plutôt qu’à réprimer. Le peuple qu’elle protégeait contre la noblesse l’aimait ; toutes les fois qu’il a été question d’abolir le Conseil des Dix, il en a demandé le maintien. Le seul reproche réel à lui faire est d’avoir souvent encouragé l’espionnage et la délation, ces lèpres hideuses de la politique, qui répandent l’in-