LIVRE PREMIER. 37 En résumé, le gouvernement de Venise, aristo» cratie naturelle, émanée de la composition même de la population, conserva toujours le principe de son origine, le développa et même le poussa jusqu’à l’exagération, en admettant trop rarement de nouvelles familles dans le corps du patricial devenu héréditaire. Son organisation alla toujours en se perfectionnant, sans guerre civile, sans secousse violente, presque sans agitation, parce qu’à Venise on cherchait à ajuster le présent et l’avenir avec le passé qu’on ne reniait jamais, et qu’on ne tenait pas pour maxime, (pie pour améliorer il faut commencer par détruire. Ce qu’on ne pouvait améliorer, on le supportait; on comprenait qu’il y a des abus inhérents aux choses humaines et qui sont des lois mêmes de la nature. Le gouvernement était compliqué, mais ses divers ressorts avaient cependant leurs fondions distinctes; ainsi, pour ne parler que de ce qui en faisait l’essence même, la souveraineté était dans le Grand Conseil, le pouvoir dans le Sénat, l’administration dans la Seigneurie, la police dans le Conseil des Dix. Ces corps et quelques autres, ainsi que les principaux fonctionnaires, se trouvaient en présence, soit dans le Sénat, soit dans le Grand Conseil, mais en gardant chacun leurs attributions spéciales ; ils se surveillaient mutuellement, arrêtaient les empiétements, maintenaient la stabilité. Un gouvernement, pour avoir de la durée, doit être un mécanisme fortement organisé; à Venise, les pouvoirs divers, bien pondérés, réunissaient dans leur ensemble les conditions d’ordre et de force nécessaires à l’existence de toute société. Une très-petite partie de la nation jouissait des droits politiques et prenait part aux affaires; mais tout se faisait dans l’intérêt des masses LE MASSO.T.