42 LIVRE PREMIER. fiée, non plus que les autres villes el villages des lagunes; elle est seulement comme le centre el le réduit de tout ce territoire si bien protégé, et qui forme, au milieu des eaux el des marais, un immense retranchement discontinu el irrégulier, un point d’ap-provisionnemenl el de sûreté, en un mot, une grande place d’armes, aussi utile pour l’attaque que pour la défense, et destinée à avoir, dans des mains habiles, une grande action sur la Haute Italie. Si les habitants des lagunes ont peu de chose à redouter des attaques des hommes, la nature en revanche leur impose de grands et de continuels sacrifices. L’existence de leur sol est tout artificielle; ce sol, mouvant el marécageux, a dû être fortement consolidé. Toutes les constructions sont élevées sur pilotis et grillages de bois renforcés de monceaux de pierres, et l’on peut dire que des forêts el des montagnes sont enfouies dans les lagunes. Mais ce n’est là qu’un des moindres inconvénients de celte position; ce qui coûte le plus d’efforls, c’esl la lutte à soutenir contre les fleuves et contre la mer, c’est la nécessité de prévenir les allérissemenls, d’empêcher l’ensablement des ports el des canaux, de consolider le littoral trop faible pour résister de lui-même à l'action des flots. Rien n’a été négligé; Venise n’a reculé devant aucun sacrifice. Les nombreux cours d’eau qui venaient se décharger dans la lagune ont été détournés, et vont tomber directement dans la mer; cela a exigé d’immenses travaux hydrauliques, des canaux, des digues, des écluses sur tout le pourtour de la lagune qui, par suite de ce détournement des fleuves, est alimentée presque exclusivement par les eaux de la mer, entrant et sortant, à la haute et à la basse marée, par les ouvertures du