34 LIVRE PREMIER. parce qu’elle eut affaire à des peuples encore moins guerriers qu’elle, et qu’elle fut d’ailleurs toujours très-diligente et très-soigneuse à bien pourvoir et à bien payer ses troupes. Bien souvent aussi elle triompha moins par les armes que par la politique; elle s’est plus agrandie par des annexions et des donations que par de vraies conquêtes. Mais la politique la plus habile cl la diplomatie la plus active ne suffisent pas sans les armes, qui finissent toujours, quoi que l’on fasse, par décider du sort des états. Aussi, voit-on périr les nations les plus habiles en politique mais peu guerrières, tandis que d’autres inhabiles, folles même en politique, mais habiles à la guerre, non-seulement se tirent des plus grands dangers, mais se maintiennent fortes et puissantes. Un état n’est réellement solide contre l’étranger qu’avec une force qui lui soit propre, avec une armée nationale bien organisée; et lorsque, comme Venise, on a de l’ambition et qu’on vise à des conquêtes, il faut faire la guerre par soi-même. Venise manquait presque totalement d’institutions militaires; elle avait à Vérone un collège pour former des officiers, mais l’éducation y était mal dirigée et presque uniquement scientifique; il en est sorti des hommes distingués dans les sciences de l’ingénieur et de l’artilleur, mais peu habiles dans la pratique de la guerre. Ce sont des sujels de Venise qui ont inventé l’artillerie mobile et imaginé la fortification moderne. La marine, source de la prospérité du pays, était en grand honneur et l’objet de tous les soins et de toutes les attentions. Les armées navales, beaucoup moins propres que les armées de terre à devenir un instrument d’usurpation, étaient composées de na-