LIVRE DEUXIEME. la foule, en ajoutant que d’ici là c’était lui qui gouvernerait. Ces paroles furent accueillies aux cris de vive Manin! et peu après le peuple satisfait et mettant toute sa confiance dans cet homme, se dispersa sans bruit. Une révolution était accomplie ; et il ne s’en est jamais fait de plus rapide et de plus inoffensive. Le lendemain se passa assez tranquillement; Colli et Cibrario s’embarquèrent pour Aneône, en faisant savoir à Albini et à La Marmora que les forces qu’ils commandaient devaient rester jusqu’à nouvel ordre dans la position où elles se trouvaient. Le 15, l’assemblée se réunit; Manin lui donna communication de l’armistice qui n’avait pas encore été rendu public. La gravité des circonstances la décida à se constituer en assemblée souveraine permanente, quoiqu’elle n’eût reçu qu’un mandai spécial accompli depuis longtemps; et ses premiers actes furent la création d’un pouvoir dictatorial et la demande de l’assistance de la France. Dans les conjonctures difficiles exigeant un gouvernement exceptionnel, il vaut mieux concentrer l’autorité dans les mains d’un seul que de la confier à plusieurs, et quand l’affaire principale est la guerre, c’est un homme de guerre qu’il faut charger du salut de la patrie. La vie militaire est d’ailleurs une excellente école de gouvernement; elle donne de la force au caractère et de la fermeté à l’ame; elle apprend tout à la fois à agir et à commander. Malheureusement il ne se trouvait à Venise aucun officier suffisamment célèbre et populaire, et joignant aux talents militaires l’habileté politique. C’était le chef de l’armée qui aurait dû être revêtu de la dictature ou plutôt qui aurait dû s’en emparer; mais Pepe,