40 LIVRE PREMIER. et auxquelles elle dut prendre part, les succès des Turcs qui lui enlevèrent ses îles et ses colonies du Levant, toutes ces circonstances pesèrent lourdement sur elle, l’affaiblirent et la firent déchoir de sa puissance. Elle commit d’ailleurs de graves erreurs commerciales et politiques, dont les deux principales furent de détourner ses capitaux de la mer pour les porter sur la terre, plutôt pour en jouir que pour en tirer parti, et de travailler, tantôt avec l’étranger, tantôt avec les Italiens eux-mêmes, à maintenir la Péninsule divisée; et quand pour la sauver, elle voulut se mettre à la tète d’une fédération italienne, il n’était plus temps. Si, à la première apparition de l’étranger, au lieu de songer à de mesquins intérêts du moment, elle appelait aux armes et conduisait l’Italie contre lui, elle repoussait cette invasion, prévenait les autres, et la chrétienté, évitant ces longues cl sanglantes guerres, dont l’Italie, au commencement du xvie siècle, fut le théâtre et l’enjeu, n’aurait pas perdu de vue Constantinople et se serait tournée contre les Turcs. Dans le cours de ces malheureuses guerres, Venise vit un jour ligués contre elle l’Empire, la France, l’Espagne, le pape et quelques petits états de l’Italie. Elle éprouva desanglam tes défaites et vit ses ennemis sur le bord des lagunes; mais le malheur ne l’abattit pas. La constance et l’énergie du gouvernement, la fidélité et le dévouement des populations conjurèrent le péril. La coalition, contraire aux intérêts de plusieurs des états qui en faisaient partie, dura peu; le pape, qui en avait été le promoteur, fut le premier à s’en détacher, et Venise, après s’ètre vue réduite à ses lagunes, se lira, non sans gloire, d’une lutte si inégale, ne perdant que quelques acquisitions qu’elle