LIVRE DEUXIÈME 91 Si Venise avait peu de chose à craindre et n’était pas même bloquée sérieusement du côté de terre, elle était encore plus tranquille du côté de la mer. La flotte autrichienne s’était trouvée en partie désorganisée par la désertion d’un assez grand nombre de malins italiens et dalmates. On avait bien publié à Trieste, le 3 mai, le blocus de Venise par mer, mais aucune force navale, si ce n’est quelque bâtiment isolé, n’avait paru devant le littoral des lagunes. Charles-Albert avait songé, dès le commencement des hostilités, â attaquer l’Autriche sur mer, mais il lui avait fallu du temps pour apprêter une escadre d’une force suffisante. Les Étals sardes, si bien placés sur la Méditerranée, possédant une belle étendue de côtes, du Var à la Magra, el l’importante île de Sardaigne, avec de bons ports tels que la Spe-zia, Gênes, Savone, Nice, Cagliari, ont tout ce qu’il faut pour être puissants sur mer. La population maritime est nombreuse et hardie ; la marine marchande est considérable et montre le pavillon sarde dans toutes les mers, elle égale la moitié de la marine marchande de la France. Mais la marine militaire est loin d’être florissante. Le gouvernement sarde qui ne possède son littoral que depuis 1814 par la réunion de la Ligurie au Piémont, n’a pas encore compris toute l’importance ni contracté le goût de la marine, et quant à l’île de Sardaigne, depuis près d’un siècle et demi qu’elle est entre ses mains, elle n’a encore été pour lui qu’une sorte d’Irlande ou d’Algérie. La direction des affaires maritimes, réunie mal à propos au ministère de la guerre a toujours été fort négligée, et tandis que l’État dépensait pour l’armée au moins le tiers du budget, 50 à 55 millions, il consacrait à peine 3 millions â la marine. On se hâta d’armer les bâti-