LIVRE PREMIER. 51 acheva de perdre Venise. La position de la France était alors formidable, celle de l’Autriche très-mauvaise, et le Directoire ne s’en tenait plus aux préliminaires signés si mal à propos par Bonaparte; il voulait que l’Autriche ne possédât plus rien en Italie, et, pour obtenir ce résultat, il était fort disposé à continuer la guerre, certain, dans l’état des choses, de battre encore mieux les Autrichiens, de les obliger à la paix la plus dure, et même, s’il le fallait, de détruire leur monarchie. Malheureusement Bonaparte avait en ce moment des raisons personnelles pour traiter. Par ime exception qui ne pouvait être plus inopportune, lui qui toute sa vie a voulu la guerre, cette fois voulait la paix. L’Autriche, depuis l’armistice, avait concentré du côté de l’Italie la plus grande partie de ses forces; Bonaparte les aurait eues sur les bras, et n’aurait pu jouer un rôle brillant, tandis que l’armée française d’Allemagne, n’ayant presque personne devant elle, serait arrivée facilement à Vienne. D’un autre côté, à la gloire du guerrier il voulait ajouter celle du pacificateur; enfin il était fatigué, désirait jouir un peu de scs lauriers et commençait à penser à l’Egypte. 11 se décida à conclure la paix, sans s’arrêter aux conditions du Directoire, dans l’espoir que l’opinion publique, qui accusait ce gouvernement de vouloir éterniser la guerre, le forcerait de ratifier le traité. En rendant à l’Autriche le Milanais, évacuant les états de Venise et les laissant intacts, on aurait eu immédiatement la paix ; et, à traiter sans se battre de nouveau, c’était là ce qu’il y avait de mieux à faire. Mais si Bonaparte ne voulait par faire une nouvelle campagne , il ne voulait pas non plus replacer sous le joug de l’Autriche le Milanais, envers