LIVRE PREMIER. 53 rectoire, fort mécontent d’un tel traité, le ratifia cependant, parce qu’il céda mal à propos à l’opinion publique, qui réclamait la paix. L’opinion publique n’est pas un guide à suivre dans les grandes questions internationales, qu’elle comprend rarement; il faut la consulter, en tenir compte , mais ne pas lui obéir aveuglement, souvent même lui résister à tout prix ; le traité de Campo-Formio en est un fatal exemple. Au reste, malgré le désir général de la paix, bien des voix s’élevèrent, même en France et en Autriche, contre un tel abus de la force, qui rappelait le partage de la Pologne, partage tant reproché à l’Europe, et cependant moins condamnable que la destruction de Venise. La Pologne, pays chevaleresque, mais ingouvernable, sans patriotisme réel ; toujours déchiré pas des factions qui allaient chercher un appui à l’étranger, troublait tous les états voisins et allumait souvent des guerres générales; à ce point de vue, son partage, médité depuis plus d’un siècle, pouvait passer pour une mesure de police européenne. Jamais peuple n’a été moins national ; la nationalité polonaise n’existe que depuis qu’il n’y a plus de Pologne. Rien de semblable assurément ne peut se dire de Venise. Quand Venise connut son sort, fe desespoir fut général; tous, peuple et patriciens, firent éclater la plus vive douleur. C’était en effet, après un tel passé, le comble de l’infortune que de perdre l’indépendance. de se voir surtout livré à un gouvernement dont la domination ne laisse guère d’espoir de retour, parce qu’il renonce rarement à ce qu’il a une fois possédé. On voulut protester, on parla de courir aux armes, mais 011 était impuissant, et tout se borna à des imprécations contre le vainqueur qui LE MASSOlt. A