LIVRE PREMIER. 13 littoral. Les points faibles de ce littoral ont clé consolidés par loules sortes de travaux; c’est dans la partie la plus mince, comprise entre les ports de Ma-îamocco et de Chioggia, et connue sous le nom de littoral de Palestrine, qu’on a construit les fameux Murazzi, œuvre gigantesque, comparable à tout ce qu’ont pu faire les peuples les plus puissants et les plus opiniâtres (’). Tout cela fait déjà de Venise une ville fort remarquable, mais elle a de bien autres titres à la célébrité. Les efforts prodigieux et continuels qu’elle a dû faire pour se créer, pour exister, pour se rendre forte et contre la nature et contre les hommes, ne lui ont pas fait négliger les beaux-arts ; là ses succès ont été les mêmes, et par un singulier phénomène, elle est tout à la fois la place la plus forte, et la cité la plus monumentale et la plus artistique. A Venise les arts percent partout, se marient à tout; on les trouve dans l’arsenal à côté de l’industrie, et jusque dans les murailles des fortifications. Cependant une telle ville est loin de répondre d’abord à l’idée qu’on s’en peut faire et de montrer tout ce qu’elle vaut; elle paraît plutôt étrange que belle, et ne présente comme ensemble capable d’impressionner, que les édifices de la grande et de la petite place Saint-Marc, et les deux files de palais du grand canal, la plus belle et la plus singulière rue qui soit au monde. Un aspect silencieux et un peu triste, des rues étroites et tortueuses, des canaux bordés de vieilles et sombres habitations, voilà ce qui frappe au premier abord; ce n’est que peu à peu qu’on comprend tout le prix de Venise; comme tout ce qui est véritablement beau, plus elle est vue et plus elle paraît admirable. Il faut d’ailleurs, pour la bien apprécier,