LIVRE PREMIER. 34 quiétude cl le soupçon jusque dans l’intérieur des familles. Le bonheur d’un peuple dépend surtout de l’ad-minislration, c’est-à-dire de l’esprit et des actes des gouvernants; une bonne administration vaut mieux que la plus belle constitution. C’est une erreur, noble et généreuse sans doute, mais très-funeste, de croire que les idées elles principes peuvent plus sur les masses que le bien-être et les intérêts matériels; partout et dans tous les temps les pouvoirs qui ont le mieux administré ont été les plus populaires et les plus durables, et c’est là le secret principal de la grandeur de Venise, dont l’administration habile, vigilante, essentiellement pratique, s’occupait sans relâche des intérêts réels du pays. Le système d’impôts était bien entendu ; les impôts directs étaient faibles, les perceptions indirectes nombreuses, mais peu onéreuses en elles-mêmes, justifiées par une longue expérience et frappant, mieux que les impôts directs, le revenu réel sous quelque forme qu’il apparût. L’égalité devant la loi était complète, et contentait le peuple gouverné d’ailleurs avec douceur, et mis à portée de satisfaire à ses besoins et à ses plaisirs. Le commerce, la navigation et l’industrie étaient puissamment soutenus et encouragés. La marine militaire ne bornait pas son rôle à une protection souvent plus apparente qu’utile et réelle : elle était aussi employée au commerce, et cet usage qu’aucun autre état n’a adopté, avait l’avantage de l’exercer et d’en tirer parti pendant la paix. Le trafic ne se faisait point pour le gouvernement, mais pour les particuliers dont on transportait les marchandises à prix modérés; on fournissait ainsi des moyens de commerce à ceux qui n’étaient pas en état d’armer