208 LIVRE QUATRIÈME. 1er tous les vivres derrière sa ligne; les environs des lagunes se trouvaient complètement vides. Une sortie, pour avoir des résultats importants, aurait demandé des forces considérables, capables d’affronter l’ennemi en rase campagne et de lui tenir tète pendant quelques jours; c’est ce que les troupes vénitiennes n’étaient pas en étal de faire, surtout avec un chef aussi peu résolu et aussi peu habile que Pepe. Mais une partie de l’armée croyait que c’était une chance que l’on pouvait tenter, parce qu’au point où l’on en était, il fallait tout tenter, quelles que fussent les conséquences. Un certain nombre d’officiers, méconnaissant leurs devoirs el violant les règles de la discipline, se réunirent pour délibérer el pour imposer leurs plans au général. Celui-ci sut réprimer cet acte d’insubordination avec plus de fermeté qu’il n’en montrait ordinairement, et tout rentra dans l’ordre. La flotte faisait le contraire de l’armée; toujours tapie sous le fort Albcroni, elle résistait à toutes les excitations, el ne voulait jamais se risquer. Cela donnait lieu à beaucoup de soupçons et faisait prendre une triste idée du courage et du patriotisme de la marine, cetle antique gloire de Venise. Quelle que fût la disproportion des forces, et bien que le succès eût été sans doute peu utile, les Autrichiens occupant alors les Légations et tenant Ancône, il n’y avait pas à hésiter en ce moment suprême; la marine devait se sacrifier s’il le fallait, plutôt que de laisser dire qu’elle seule n’avait rendu aucun service, n’avait rien fait pour le salut de Venise. Sur les ordres réitérés el impératifs de Manin et de'la commission militaire, elle dut enfin agir, cl le 8 aoùi elle leva l’ancre el gagna la mer. L’escadre autrichienne se retira, et l’une et l’autre disparurent au large.