16 LIVRE PREMIER. nulle part le goût des lettres ne fui plus répandu, l’éducation plus soignée, le prix du savoir mieux senti. C’est à ses relations avec les Grecs et les Arabes, seuls peuples éclairés au milieu des ténèbres du moyen âge, que Venise fut redevable d’avoir ainsi devancé toute l’Europe dans la civilisation moderne. Les Vénitiens ont beaucoup contribué aux progrès de la géographie, de l'astronomie, des mathématiques et de tout ce qui se rattache à l’art de la navigation. Ils ont été les premiers à explorer l’Asie, à visiter toute la côte septentrionale de l’Afrique et à s’avancer, dans l’Océan, le long de la côte occidentale, au delà de l’équateur. Mais c’est surtout dans l’art de gouverner que Venise a excellé; là est sa vraie gloire. Ce qui la rend à jamais digne de respect et d’admiration, c’est, son régime politique, son gouvernement sans modèle dans le passé et dans le présent, le plus sage et le plus inébranlable qu’aient su organiser les hommes, qui a duré quatorze siècles et n’a péri qu’avec l’É-tat lui-même, par la main de l’étranger. En présentant au monde l’étonnant spectacle d’une population de fugitifs qui, établie sur une plage mouvante, sans végétation, sans matériaux et même sans espace pour bâtir, non-seulement subsiste et se maintient libre et indépendante, mais domine les mers, fait de vastes conquêtes, accapare le commerce du monde et contribue plus que tout autre état au développement de la civilisation moderne, Venise a donné la plus grande prouve de ce que peuvent les bonnes institutions jointes à la constance dans les principes et dans la conduite, et elle a fait voir que les organisations politiques dans lesquelles prévaut l’aristocratie sont les plus robustes et les plus propres à ac-