28 LIVRE PREMIER. sait moins l’exercice d’un droit que l’accomplissement d’un devoir. La souveraineté était exercée dans toute sa plénitude par le Grand-Conseil, composé de tous les membres des familles nobles; mais trop nombreux pour gouverner par lui-mème, il déléguait ce soin à un certain nombre de ses membres qui, réunis aux principaux fonctionnaires, formaient le Sénat, corps politique, ayant assez de ressemblance avec le Sénat de l’ancienne Rome. C’est lui qui tenait vraiment l’autorité, qui était le pouvoir exécutif, et qui faisait même la plupart des lois, le Grand Conseil ne se réservant que les plus importantes. Dans ces deux assemblées, on appréciait peu l’éloquence qui n’est la plupart du temps, que l’abus de la parole et ne sert qu’à énerver et à stériliser l’action et les sentiments. On ne s’occupait guère des formes oratoires, on s’attachait au fond des choses, on parlait uniquement pour éclairer et pour convaincre. Ce peu de goût pour l’art de la parole était général à Venise, et ce ne fut pas une des moindres causes de la solidité et de la prospérité de l’état, car cet art est surtout à l’usage des ambitieux, des agitateurs et de tous les gens dévorés d’envie et de haine contre les sociétés quelles qu’elles soient. Le représentant de la nation, le chef de l’administration était le Doge, assisté de six conseillers et de trois chefs de la magistrature; il formait avec eux la Seigneurie ou le Petit Conseil; c’était le ministère du Sénat. L’autorité du Doge était fort limitée; il ne pouvait rien sans ses conseillers, et ne faisait, dans tous les cas, qu’exécuter les ordres du Sénat. Toujours entouré et surveillé, assujetti à une grande représentation, il avait la majesté et tout le