— 54 — restaurant de campagne, nous regardons sur la plage danser le Kolo, sorte de pas de polka qu’exécutent ensemble, un temps à droite, un temps à gauche, des jeunes tilles et des troupiers se tenant par la main comme pour une ronde. On nous ramène avec des torches à l’embarcadère; l’orchestre prend place à l’arrière du voilier et nous accompagne, jusqu’à Baccari, de chants guerriers, un peu barbares, ou de mélodies lentes, amoureuses et nostalgiques, faisant planer sur le romantisme du décor toute la tristesse de l’âme slave. Une matinée radieuse nous conduit dès le lendemain à Sussak, en dévalant des pentes face à la mer. La lumière de l’Adriatique est largement dispensée jusque dans nos chambres : des fenêtres, nous découvrons le port, les chantiers maritimes, la station d’Abbazia formant un croissant, dont nous sommes une pointe, sur les îles Cherso et Véglia, sentinelles paresseusement couchées à son ouverture. Notre alanguissement est de courte durée. Pour nous convaincre mieux de ce qu’on nous a souvent répété, que Sussak et Fiume sont la même ville, on nous entraîne sur un rocher dominant la Rieka, (lumen (1) ou rivière qui les sé- (1) De là vient le nom même de la ville : Rieka pour les Slaves, Fiume pour les Italiens.