— 52 — « Voulez-vous lire les tracts qu’ils distribuaient à nos soldats ? » Il tend une proclamation enflammée, d’un style amphigourique « ...lumière qui perce la brume épaisse du sang évaporé... cris et soupirs s’accumulant en nuages sinistres... communisme sur les ruines de la classe bourgeoise ». Notre attention se détourne assez vite, le chemin de fer cotoyant des abîmes riants ou dantesques, courant sur des crêtes, franchissant des gorges, puis un tunnel d’altitude extrême, pour s’arrêter à 150 mètres au-dessus de Bakar. Nous y descendons en voitures, par de multiples détours, non sans passer devant un poste de bersaglieri, qui se contentent de répondre à nos déclarations : « Avanti ! » Sitôt installés, nous nous rendons à bord d’un voilier, à Krajevitza, vers l’autre bout de la rade, dont l’étroite ouverture sur le large se devine à peine. L’impression est d’une qualité rare : nous sommes comme dans une immense salle de spectacle, dont la mer figurerait la scène, le village le parterre, et, sur le pourtour, les bancs de pierre soutenant des vignes étagées jusqu’au sommet, des montagnes l’amphithéâtre. Mais, quelle feuille parisienne, lue en cours de route, vantait l’avenir de ce port ? C’est un trou splendide, ce n’est qu’un trou, à parois presque