— 100 — sur des escabeaux branlants. Il a fait la retraite avec nos soldats dont il vante le courage. Que pense-t-il de Nicolas ? « Qu’il ait trahi ou non, nous ne lui pardonnerons jamais de nous avoir abandonnés sans ressources pour s’en aller vivre à son aise à l’étranger ». Cependant, l’une des femmes passe la rakia à la ronde dans une casserole. Nous nous levons; des compliments s’échangent; quelqu’un tire de sa poche un billet pour le garçon d’une dizaine d’années qui joue sur le seuil; le gamin, d’un geste de fierté, repousse la main tendue. Nous n’insistons pas et courons au camion dont le conducteur nous hèle. Une seconde panne près de la Rieka nous oblige encore à marcher et à goûter plus longuement le charme d’une contrée moins sauvage, aux abords du lac de Scutari, dont les eaux dormantes s’aperçoivent de la route. D’un groupe de paysans et de paysannes qui nous dépassent, part le dobardan (bonjour) familier avec des rires; le soleil atténue la fraîcheur des altitudes; nul ne s’énerve du retard; nous remontons sans hâte dans la voiture qui nous ramène à Cettigné. Des Américains nous y attendent, hommes d’affaires en costumes d’officiers, et débauchent l’envoyé de Chicago Tribune qui nous lâche pour rester