62 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBANIE. peut ainsi rester des années ; autre serait sa situation s’il se sauvait pour échapper à des créanciers, on ne lui fermerait pas la porte, car l’hospitalité est de règle, mais on lui donnerait à entendre qu’il ne peut rester longtemps et ferait bien d’aller payer ce qu’il doit. Ces meurtres sont malheureusement fréquents, il se passe rarement une semaine sans qu’on ait à en enregistrer quelqu’un malgré la surveillance des autorités et les règlements qui interdisent le port d’armes en ville. .4 midi les hans (hôtelleries) sont assiégés ; c’est jour de liesse pour les montagnards, ils se régalent de viande, de pain, de ces pâtisseries et plats sucrés si nombreux dans la cuisine turque. Le handji (hôtelier) trône devant ses fourneaux encombrés de casseroles fumantes qui se vident rapidement; de temps à autre une montagnarde entre, elle aussi, dans l’établissement; sa condition d’être inférieur ne lui permet pas de prendre place à une table où se trouvent des hommes ; elle s’assied à terre dans un coin ou sur une marche d’escalier et dévore la portion qu’on lui a donnée, avec un appétit que bien des civilisés envieraient. Les clients s’attardent peu, ils retournent à leurs affaires. Le soleil est déjà moins haut, le temps a passé vite, le hodja, du haut de son minaret annonce la prière de neuf heures (au coucher du soleil, il est douze heures à la turque, c’est-à-dire la nuit), il faut terminer ventes et achats, le mouvement de retour se dessine, les caravanes se forment et s’allongent sur les routes allant vers les montagnes, plus ou moins gaiement, suivant les résultats de la journée, bien dures étapes pour femmes embêtes chargées, suivies par les hommes à cheval. Peu à peu également les boutiques se ferment, les mu-