CROIA. aigres ou sévères, c’est un sourire, et dans ses mauvais moments une colère affolée de jolie femme jalouse, son azur se fond dans celui du ciel, ils s’abîment l’un dans l’autre. D’une tour carrée s’envole nerveusement, d’une cloche une sonnerie saccadée, rageuse, qui surprend ; je demande à visiter cette tour éventrée, convertie par les Turcs en horloge : impossible de trouver une échelle pour me hisser jusqu’à cette cloche sur laquelle j’aperçois des inscriptions ; dans un coin j’en avise une aulre, fêlée, qui porte deux monogrammes et la date MCCCCLXIl, cinq années avant la mort de Scanderbeg ! Elle gît là, rebutée, cette cloche qui avait dù annoncer plus d’un Te Deum au temps du héros, sonner plus d’un tocsin d’alarme ; elle gît hors d’usage sur un plancher pourri et qui, dans sa chute, l’entraînera au fond de cette tour où l’on ne retrouvera plus que ses débris ; une autre cloche aété, me dit-on, expédiée à Fraisa pour l’horloge de ce village, toutes trois proviennent des églises qui existaient dans Croïa quand Mohammed II s’en empara. Croïa était considérée comme la clef de l’Albanie supérieure, à une époque où il n’était pas prudent de laisser une place forte derrière soi et où l’accès par mer était si difficile, aussi subit-elle plusieurs sièges *. Au commence-mentde l’année 1450, MuradII, àla tête de 160 000 hommes, essaya vainement de s’en emparer en l’attaquant par la plaine ; il dut se retirer après avoir perdu beaucoup de 1. A la mort de Jean Castrioü vers 1443, Croïa fut occupée par les Turcs. Le premier acte de Scanderbeg, quand il eut déserté le service du Sultan, fut de s’en emparer par une trahison excusable, surtout à celte époque et dans cette circonstance.