294 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBANIE. se posa sur le toit voisin ; le bruit de son vol sembla un froissement de velours; silencieusement elle s’était plaquée là, traîtreusement, comme le malheur s’abat parfois sur l’homme, sans qu’il en ait eu le pressentiment. Sur l’arête de chaume, je voyais se profiler en plein ciel rougeâtre, un petit objet bossu qui ne tarda pas à pousser un lamentable appel « dgioôk ! dgioôk ! » Pauvre fdle, dit mon hôte à mi-voix. Ces deux mots éveillèrent ma curiosité, la commisération inspirée par le cri de l’oiseau nocturne, que j’avais reconnu, devait avoir sa légende; je ne m’étais pas trompé, mon drogman m’en fit la traduction. liosa, depuis la mort de ses parents, vivait seule avec son frère « Dgiôk1 » et, suivant la dure coutume qui ne permet pas aux jeunes filles catholiques de Scutari de sortir ou de se montrer en public, elle restait tristement enfermée dans sa chambre aux étroites fenêtres soupçonneusement grillées, ses journées s’écoulaient en tissant les étoffes qui devaient composer son trousseau. Au coucher du soleil, son frère revenait au logis, car il travaillait au bazar et apportait avec lui les provisions nécessaires à leur existence. En vain, un soir elle l’attendit ; tué à la suite d’une querelle, il ne devait plus revenir et l’aider; deux fois encore elle vit le soleil disparaître sans ramener l’absent ; sans ressources, ayant épuisé ses provisions, n’osant sortir, la jeune fille pria longtemps, invoquant la vierge et la suppliant de vouloir bien la changer en oiseau afin que, sans être reconnue, elle pût aller à 1. Jean.