216 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBAN1E. dressent les collines sur lesquelles se détachent la tour et les fortifications ruinées de Praisa à l’ouest Croïa et son fond de hautes montagnes, couronnées de nuages d’un inquiétant aspect; partout des arbres, une magnifique verdure, s’assombrissant peu à peu ; c’est l’heure triste, un silence intense envahit cette plaine qui a frémi sous tant de grands chocs, que tant d’armées ont tour à tour foulées ; la nuit s’est faite bien sombre ; accrochées aux ilancs de la montagne, les maisons de Croïa mettent dans ce noir des points lumineux semblables à des yeux rougis. A l’aube nous nous remettons en route; on comprend, en avançant, combien il devait être facile au héros albanais de défendre sa ville. Très probablement, dans quelques-uns de ces endroits boisés au milieu desquels nous cheminons, Scanderbeg avait établi ces embuscades qui constituaient son système de résistance à l’envabissement de sa patrie par les armées musulmanes, et dans lesquelles, à en croire ses chroniqueurs, il anéantissait des armées. Nous atteignons le pied des contreforts des montagnes, l’ascension est scabreuse : il nous faut deux heures pour gagner une apparence de route où je trouve une escorte envoyée à ma rencontre par le caïmacam de Croïa. Ce restant de chemin se fait à travers une admirable forêt d’oliviers séculaires, on en compte, paraît-il, 67 000 aux alentours de la ville ; à un détour, la vieille et robuste citadelle se dresse étrange devant nous, nous pénétrons dans le plus sombre et le plus mystérieux des bazars, petit, mais intéressant. Croïa, on prononce Crouya (de Crouya, source, en albanais) (Akshé-hissar, château de la monnaie en turc) qui 1. Ou Présa, ancienne capitale des Parthéniens.