310 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBANIE. du patriotisme albanais; on assure que, réunissant les quatre vilayets de Scutari, Janina, Monastir, Kossowo on pourrait former un groupe de 2 000 000 d’Albanais; mais qui oserait entreprendre de les administrer, dans l’état où ils se trouvent actuellement? Ce serait tenter l’impossible : si on avait à s’occuper d’eux immédiatement, ce ne pourrait être, je le crains, ([lie pour les partager. Comparés aux raïas des autres contrées de l’Empire, les Albanais sont les plus favorisés, sans que cela soit beaucoup dire ; ne payant aucun impôt, n’étant pas soumis au service militaire, les chrétiensont d’autant plus mauvaise grâce à se plaindre, queleur ignorance ne justifie pas leurs aspirations, ou du moins celles qu’on leur prête; en l’état actuel, incapables de se conduire, ils ne peuvent que changer de maître, et rien n’indique que, sous beaucoup de rapports, ils gagneraient au change. Le progrès est plus apparent que réel en Turquie. Le gouvernement ne peut donnersuite aux promesses, dont il a, quelquefois imprudemment, été peu avare : les lois excellentes ne font pas défaut, mais les moyens de les appliquer. Ce que peuvent coûter les faveurs de fonctionnaires, parfois avides, n’atteint pas le chiffre des sommes qu’ils devraient acquitter en impôts sous un autre gouvernement, et l’espèce de ces employés tend du reste chaque jour à disparaître. Dans ces conditions, les Albanais ne sauraient être trop circonspects, je le crois, dans la manifestation d’aspirations que rien actuellement ne justifie, et dont la réalisation brusque les trouverait absolument incapables de profiter. Ils n’ont pas, comme les Serbes ou les Grecs, le spectacle d’une partie d’entre eux déjà libres pour les encourager 'à demander leur liberté et les y aider. N’ayant pas de passé,