194 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBANIE. une petite chapelle et de 2000 chrétiens du rite grec (Slaves et Koutzo-Vlaques), le restant de la population pratique la religion musulmane, mais appartient en général à la secte desBegtaschis ou des derviches hurleurs. Leurs cérémonies ont été si souvent décrites que je n’en ferai pas le récit. Mais combien sont intéressants les turbés 1 de leurs saints, qui sont l’objet de la plus pieuse et de la plus farouche vénération ; quel repos et quel calme dans leurs tékés (maisons de prière) perdus au milieu du feuillage gris des oliviers, accotés de sombres et gigantesques cyprès. Dans l’intérieur, la propreté est admirable, le plancher semble un marbre poli, en cercle sont les peaux de mouton sur lesquelles après leurs exercices ils s’affaleront exténués et veules ; aux murs, une superbe collection d’armes anciennes, tout l’arsenal de l’antique Islam, d’énormes massues en bois d’olivier, des hallebardes gigantesques, souvenirs d’anciens sectateurs, peut-être les descendants de ces terribles derviches qui se mettaient à la tête des troupes musulmanes pour leur inspirer leur fanatisme cruel, en montant à l’assaut de Constantinople, de lourdes masses d’armes. Le Scheik2 fort aimable, qui me laisse tout inspecter et toucher, me fait voir d’anciens sabres hongrois, de vieilles épées polonaises tombées peut-être des mains des anges de So-biecky, tout un passé d’histoire militaire, dont la griserie vous monte au cerveau. Comparée aux autres villes de l’Albanie supérieure, Tirana n’a pas un passé ancien. Dans une plaine, en ces temps de luttes et de défense on ne pouvait songer à fonder dans cet endroit une cité qui fût devenue une proie facile pour les 1. Tombeaux. 2. Chef de la communauté religieuse.