CONCLUSION. 300 nationalités cherchant à se créer une place dans ce qu’on appelle le concert européen ; mais c’est une hypothèse dont la réalisation semble encore bien éloignée, et je n’aperçois pas trop la puissance désintéressée, ou intéressée, disposée à les aider, en acceptant, en échange de ses bons offices, cette monnaie fourrée qu’on appelle la reconnaissance. Je ne crois pas qu’il y ait en Europe un peuple moins préparé à recevoir ce précieux, mais parfois dangereux présent, qu’on appelle la liberté, et que d’autres ont acheté au prix des plus nobles et des plus douloureux sacrifices. 11 est une troisième combinaison dont on ne parle pas, ce serait l’imprévu; mais n’est-ce pas ce qu’il y a encore de plus certain dans les affaires humaines? Six années de séjour, d’une observation constante, m’ont permis de connaître en partie l’Albanie et ses habitants ; de longues années s’écouleront encore, je le crois, avant qu’ils soient unis. Je n’oserais affirmer qu’un péril commun les rapprocherait. On se liait actuellement de vilayetà vilayet, de ville à ville, de montagne à montagne1 ; il y a un travail constant: du côté de l’Epire par la Grèce ; dans la Haute-Albanie, l’Au-triche-Hongrie et l’Italie, avec le Monténégro soutenu parla Russie, luttent d’influence. Dans d’au très régions, les Serbes, les Bulgares, les Roumains même, ont des émissaires chargés de justifier ou de créer des titres à des revendications; tous ces pays ont leur clientèle, ce qui démontre combien est superficiel, j’allais dire peu vrai, le bruit qu’on mène d’un éveil 1. Un Albanais musulman ne dira pas d’un Albanais catholique : « c’est un homme bon » (i adam) mais « c’est un homme bien » « guzel adam », un chrétien Albanais ne peut pas être bon à son avis. D’un étranger, il dira parfois « c’est un homme bon ». De même les catholiques tant qu’ils le peuvent n’achètent jamais rien chez un musulman.