242 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBANIE. bre, examina les quarante cadavres ; un d’eux ayant remué la main, il en conclut que ce ne pouvait être que le corps de celui qui avait fait tant de miracles pendant sa vie et les continuait après sa mort, on le mit en terre rangeant autour de lui les trente-neuf sosies posthumes. Ce récit, comme on le voit, ne mentionne ni la jeune fille, ni la pastèque, ni le fantastique voyage à Corfou. Les habitants de Croïa tiennent à leur légende, à l’appui de laquelle ils invoquent l’existence au sommet de la montagne d’une grotte. Sur le plateau s’élèvent trois maisons : une affectée aux pèlerins de distinction, l’autre au derviche gardien, la troisième à la masse des visiteurs ordinaires. La grotte dont l’entrée est au couchant reste à gauche de ces habitations. On descend dans l’intérieur par un large escalier de pierre, en bas se trouve le turbé du saint, chacun des côtés est garni des tombes des derviches morts en cet endroit. Une eau claire et très froide tombe goutte à goutte d’une pierre de forme ronde située à la partie supérieure de la voûte, c’est la pastèque, une pierre pouvant figurer un couteau semble fichée dedans. Derrière le turbé, une fente d’un demi-mètre de largeur, longue et très profonde ; enfin au point le plus élevé de la montagne se trouvent les ruines d’une très ancienne église. Comme 011 le voit par cette description, la mise en scène est parfaite, aucun des accessoires de l’épisode ne fait défaut, la croyance populaire n’est pas exposée aux doutes troublants. Quant au décor, il est splendide et de ceux qu’on n’oublie point ; de cette hauteur l’œil plonge jusqu’aux Balkans de Monastir, on voit le Monténégro et s’il fait beau, le matin, les côtes de l’Italie de l’autre côté de l’Adriatique.