00 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBANIE. temps de se cacher, a pu en quelques heures en tuer quatre, qui ne sachant encore rien, n’étaient pas sur leurs gardes. Quant au meurtrier du bazar que nous avons un peu perdu de vue, il se sauve, il est assuré de l’hospitalité, dans quelque maison qu’il la demande, c’est l’usage, tellement enraciné encore qu’aussitôt qu’on entend des coups de feu, les maisons de la ville les plus rigoureusement fermées s’empressent de laisser leur porte entre-bâillée afin d’admettre celui qu’on poursuit peut-être; s’il est serré de près par ceux qui cherchent à le tuer ou l’appréhender, s’il a l'heureuse chance de rencontrer quelque bey ou un chef montagnard et la présence d’esprit de lui dire qu’il se confie à lui, celui-ci est tenu de le prendre sous sa protection et ceux qui le poursuivaient se retirent, car ils offenseraient le protecteur et sa famille, ils ¡leur prendraient l’honneur, suivant l’expression du pays, et entreraient en vendetta avec eux, tant la personne de l’hôte est chose sacrée. La coutume de ces meurtres par vengeance est encore tellement entrée dans les mœurs de ce pays, que personne, s’il n’appartient à la famille du mort, ne cherche à poursuivre le meurtrier ; les soldats eux-mêmes, pour la plupart albanais, n’essayent que pour la forme de l’arrêter, car ils n’ignorent point qu’ils auraient ensuite à compter avec la famille. Dans ces conditions, on le comprend, celui qui a repris un sang se dérobe assez facilement et va chercher, chez quelque ami des montagnes, un asile qui n’est jamais refusé et dans lequel il est en sûreté, jusqu’au jour où, sa retraite étant connue et n’étant plus sur ses gardes, il sera à son tour tué traîtreusement. Un homme qui a tué est considéré comme un brave, on le reçoit, on le nourrit, il