42 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALRAN1E. la bride, forme rouge sans aspect, elle part ainsi seule de la maison paternelle, au milieu des détonations qui se prolongeront tout le temps du trajet, enlevée par des inconnus qui la conduisent chez son maître, où le prêtre attend pour bénir leur union *. Non seulement les filles dans la campagne se marient sans dot comme à Scutari, mais le futur donne à leur famille une somme d’argent variant entre 100 et 200 francs; une partie est employée à l’achat du trousseau, le reste constitue une indemnité pour les parents qui perdent une servante utile et souvent une bête de somme. Le mariage chez les musulmans albanais diffère peu comme cérémonial, dans les villages, du mariage chez les catholiques. Au lieu d'entrer en servante humble et éplorée, la jeune fille musulmane se rend chez son mari droite et fièrement campée sur son cheval, semblant avoir la conscience et peut-être la volonté de lui apporter le bonheur. Quand elle entre dans la cour de la maison, de toutes parts éclatent les coups de fusil; on l’entoure pour l’aider à descendre de cheval et, dérobée aux regards par un grand voile que des mains amies transforment en un dôme au-dessus de sa tête, elle monte seule l’escalier en haut duquel l’attend son époux. Est-ce le bonheur ou le chagrin qui pénètre sous ce voile dans l’intérieur de cette maison ? L’existence des gens de la campagne est faite de si brutales réalités qu’il y reste peu de place pour les désillusions. Quant aux Albanais musulmans de la ville, le divorce est I. Dans certaines montagnes la mariée, quand elle se rend chez son mari, tient en main une bouteille d’eau-de-vie de marc et une tasse ; à chaque homme qui la salue d’un coup de fusil quand elle passe, elle offre à boire.