LES DERVICHES BEGTASCHIS. 239 vu qu’un vieillard assis, silencieux, dans la partie la plus obscure d'un café. On l’amena au château et tous de rire en le voyant. Aussitôt qu'elle l’aperçut la princesse lui offrit une pomme ; comme tous lui criaient de se retirer maintenant, qu’il avaiteu son cadeau et qu’il n’en faisait rien, elle lui offrit une seconde pomme. « Mais ce ne peut-être ce vieillard », crièrent les prétendants. Remettant alors au derviche la pomme qui lui restait dans les mains, la fille du prince dit à son père : « Voici mon sauveur. » Le vieillard, heureux de n’avoir pas été renié, montra alors au prince les pointes des sept langues en lui disant : « Nous autres, derviches, nous ne recevons ni ne prenons de femmes contre leur gré; gardez votre fille et vos trésors, mais ac-cordez-moi la grâce de me laisser habiter la grotte et de m’y envoyer chaque jour un peu de nourriture. » « G'est accordé, répondit le prince, à la condition cependant que vous me débarrasserez de la charogne de ce monstre qui commence à empoisonner le pays. » Le vieillard se rendit à la grotte, d’un coup de sa terrible épée de bois fit dans la roche une fente dans laquelle s’engloutit le dragon. Il résida plusieurs années dans ce lieu où il vivait seul. Malgré son isolement et sa tranquillité, bien des gens le craignaient, surtout dans l’entourage du prince : « Ce vieillard, disaient-ils, qui d’un coup de son sabre en bois a pu tuerie dragon, fendre la roche, est capable de nous massacrer tous ; sa présence est un danger, laissez-nous vous en délivrer. » L’homme chargé de lui porter sa nourriture lui apporta un matin une pastèque en pleurant : « Sauvez-vous, lui dit-il, on va venir pour vous tuer. Dans peu d’instants les assassins seront ici. » Le derviche qui avait déjà planté son