LA CITADELLE DE SCUTAKl. 73 dans la journée et qui n’avait, sur leurs prières, consenti à laisser les travailleurs achever leur tâche qu’à la condition que les trois frères s’engageraient à murer dans les fondations celle de leurs épouses qui viendrait la première leur apporter leur repas. L’infortunée femme de Goïko parut la première le lendemain du terrible pacte. Malgré les pleurs de son mari, Vukagin la remit entre les mains de Rad, le maître constructeur, qui appela les ouvriers. <( La jeune femme les regardait en souriant, car elle prenait toutes ces menaces pour un badinage. Cependant on élève autour d’elle des pierres et des pièces de bois; déjà ces matériaux atteignaient jusqu’à ses genoux, mais dans son innocence elle riait toujours, tant elle était loin de soupçonner la réalité. Quand elle en eut jusqu’à la ceinture, elle-comprit le sort qui lui était réservé, alors sa douleur se changea en désespoir, et s’adressant à ses beaux-frères: « Vous ne souffrirez pas, leur dit-elle, que si jeune on « m’ensevelisse à vos yeux toute vivante, ou il faut que « vous ayez perdu toute crainte de Dieu ». Puis voyant que ses prières restent sans effet, surmontant toute honte, elle implore ainsi son seigneur : « Oh! ne permettez pas,maître « et cher époux, qu’ils m’ensevelissent toute vivante ! ma « mère a de l’or, elle achètera une esclave ou une captive et « s’il faut une victime, du moins ce ne sera pas ta jeune « femme! » Enchaîné par sa parole, Goïko ne répondit rien. Alors l’infortunée s’adressa au maître constructeur : « Rad, « lui dit-elle, ô mon frère en Jésus-Christ ! laisse, je t’en « supplie une ouverture à la hauteur démon sein, pour que « je puisse allaiter mon Johan, si toutefois on veut bien « l’apporter à sa mère. » Conjuré au nom du Sauveur, Rad