LA FAMILLE TOPTAN. — FONDATION DE TIRANA. 201 profondément Ali Bey ; peu à peu il revécut sa jeunesse, se rappelant les railleries de ses camarades d’enfance, le mystère qui semblait planer sur son origine et le peu d’affection que lui témoignait la femme de celui qui se disait son père. Désireux d’en connaître davantage, il fit venir cette vieille paysanne qui lui fit le récit de ses infortunes, de ses souffrances pendant le siège de Croïa, sans omettre le rapt commis par le janissaire et la fin tragique de sa maîtresse. Lui montrant ensuite une plaque d’argent suspendue à son cou elle s’écria: « Voici tout ce qui me reste de la noble maison des Tbopia, ce souvenir qui m’est plus précieux que la vie, est un cadeau de ma maîtresse, l’écusson qu’on y voit gravé est celui de la maison dans laquelle je servais. Ali Bey ayant examiné ce bijou qui portait d’un côté l’effigie de la Vierge et de l’autre une croix dans un cercle, le rendit à sa propriétaire et tomba dans une rêverie profonde. Ayant gardé la vieille femme dans son palais, il fit appeler les anciens survivants du siège qui confirmèrent son récit. 11 fit ensuite venir le vieux janissaire de Bahitza et lui donna l’ordre de déclarer franchement de son côté ce qu’il savait; le soldat après avoir juré sur le Coran de dire la vérité, raconta dans quelle maison, dans quelles circonstances il avait pris l’enfant qu’il avait élevé. «Cet enfant c’était vous, dit-il en tombant aux pieds d’Ali Bey. En vous cachant votre naissance et vous élevant comme mon fils, j'ai commis, je le reconnais, une grande faute. Ayez pitié, monseigneur, d’un pauvre homme. Je n’avais pas d’enfant, je vous ai bien aimé, vous étiez ma joie et mon espérance, mon bonheur quand vous étiez petit était de vous porter dans mes bras, grand de vous voir si brave, j’étais fier de